La supervision individuelle professionnelle:
Parce que la psychanalyse ne se réduit pas à une théorie à appliquer, elle peut faire sens pour le travail. Il ne s'agit pas pour elle d'énoncer une vérité que les professionnels pourraient utiliser mais plutôt de faire découvrir un art de l'écoute (de la vérité subjective) visant à comprendre ce qui se joue dans la relation à l'autre.
Cet espace d'élaboration a pour objectif de :
-questionner la cohérence et la pertinence de sa pratique
-chercher à s’enrichir de nouvelles compétences et de façons de faire
-apporter de la théorie pour repérer les (en)jeux psychiques relationnels (transferts et contre-transferts) et prendre la distance nécessaire.
Même s'il existe différentes approches de supervision, dans tous les cas, elle est une méthode de compréhension d'une situation vécue et qui vise à en améliorer le résultat.
Plus précisément, l'approche clinique psychanalytique que je pratique, accompagne le "supervisé" (ou l'analysant) à aborder l'analyse de la relation en situation professionnelle. Soit à interroger la part professionnelle de sa personnalité impliquée dans la relation à l'autre.
La supervision n'apporte pas de recette miracle, de "bonne" solution ou de stratégie avérée mais instaure, une distance, un déplacement où la parole n'a pas pour but d'être logique, déductive ou explicite (puisqu'elle est subjective) mais de tenter de comprendre et d'accepter l'incertain, l’insaisissable, l'incompréhensible.
On y apprend à réguler la distance, à partager ses impuissances, à identifier ses limites, à se questionner et à entendre ses implications...En se repérant mieux dans ce qu'il se joue dans sa pratique professionnelle par ce partage avec l'analyste et sa mise en mots, le professionnel peut donner sens à son action et probablement mieux se confronter à la difficulté avec moins d'angoisse, sans se sentir isolé ou sans déshumaniser le lien (mécanisme de défense fréquent), ...
Les professionnels de la relation d'aide peuvent particulièrement être exposés à ce que l'on appelle le "traumatisme vicariant" (concept canadien, 1990). Il s'agit d'un traumatisme secondaire résultant d'une exposition élevée et répétée de récits de souffrance, de scènes violentes, des effets d'une maladie ou de la mort, ...
Le matériel traumatique apporté par les patients ou les bénéficiaires d'une prise en charge médico-sociale peut générer d'importantes altérations (cognitives, émotionnelles, relationnelles...) et violenter le professionnel aidant dans ses croyances et valeurs.
Si le professionnel n'a pas vécu le traumatisme, il peut en ressentir toutefois les séquelles par identification et compassion. On parle alors de "traumatisme d'usure par compassion". Il génère les mêmes signes qu'un syndrôme post-traumatique.
La psychanalyse peut accompagner l'analysant à se doter d'un cadre référentiel clinique (métapsychologique) et personnel lui permettant de métaboliser ses affects et prévenir les risques psycho-sociaux inhérents à son métier. Elle peut lui permettre d'adopter une posture congruente et d'écoute empathique (et non compatissante!) envers ses patients/bénéficiaires suffisamment sécurisante pour l'un (le professionnel) et contenante pour l'autre (le patient/bénéficiaire)...
Il s'agit pour le professionnel, en supervision psychanalytique, de pouvoir métaboliser pour ensuite restituer quelque chose au Sujet (patient/bénéficiaire), à la manière de la fonction maternelle primaire "détoxifiante" ou "digestive" ( "fonction Alpha", Bion) et "suffisamment bonne", "porteuse" ("holding", Winnicott), capable de le penser, qui tendront à lui permettre de se (re)structurer au mieux dans son psychisme.
Cette démarche individuelle est d'autant plus importante pour des libéraux (travailleurs sociaux, thérapeutes, professions médicales, para-médicales ....) car l'absence de cadre institutionnel ou d'équipe ("d'appareil psychique collectif à penser") peut limiter ou rendre difficile leur pratique.